Exposition « Effractions »

« Effractions », l'exposition de Samuel Yal

C’est à travers un parcours dans la ville, en intérieur et extérieur, constitué de cinq œuvres, que le public peut découvrir l’univers artistique de Samuel Yal. L'exposition se déroulera dans 5 lieux de la ville du 12 juillet au 19 octobre.

Le titre du parcours « Effractions » évoque la tentative de l’art de faire irruption dans la vie des spectateurs, d’une façon physique, conceptuelle ou poétique. Ces pièces de Samuel Yal oscillent entre délicatesse et violence : ainsi, le spectateur se confronte à lui-même, et à l’immense palette de nuances qu’il porte en lui. À chaque oeuvre, il se contemple lui-même et se reconnait tour à tour immense ou minuscule, ouvert au monde ou abyme d’intériorité, léger, abimé, sublime.

Cette exposition est en résonance avec la 17e Biennale de Lyon d'art contemporain. Une exposition à l’Espace Larith vient compléter ce parcours à partir du 12 septembre jusqu’au 19 octobre 2024.

oeuvres de Samuel Yal

Les oeuvres

Zootrope

Médiathèque Jean-Jacques Rousseau

  • L'oeuvre a été réalisée de 2009-2017
  • Eléments divers : moteur, stroboscope, sculptures dans une cabine (acier et tissu)
  • 300 x 300 x 300 cm

« Le moins que l'on puisse demander à une sculpture, c'est qu'elle ne bouge pas. » Salvador Dali 

Le zootrope est un dispositif ancien, datant du 19e siècle, emprunté au pré-cinéma et qui permet d’animer des images. Au cours de son évolution le recours au stroboscope a permis de remplacer les images par des sculptures. En disposant des sculptures décomposant un mouvement sur un disque qui tourne, on peut recomposer l’illusion du mouvement grâce au stroboscope, et offrir ainsi le spectacle de sculptures animées.

Pour ce faire, un préalable est indispensable : c’est la totale obscurité. D’où cette cabine.

Conçue comme une véritable sculpture, sa structure cite le polyèdre de Dürer, rien n’indique à l’extérieur ce qui se déroule à l’intérieur. Pour le savoir, il faut entrer et appuyer sur le bouton rouge…

 

Ecce Homo

CIAP – Hôtel de Cordon

  • L'oeuvre a été réalisée en 2018
  • En ricine, polymère, acier, plexiglas, cachet de cire (sculpture sous scellé monogrammée aux initiales de l'artiste "SY")
  • 30 x 20 x 20 cm

« Tout est poison, rien n’est poison, c’est la dose qui fait le poison. » Paracelse

La figure sereine de l’homme debout est banale, ne présentant aucune espèce de menace. Pas même ne nous menace sa prétention à durer, tant cette sculpture « floue » - aux bords incertains et à la surface friable - apparaît dans une forme de précarité. La réalité est cependant toute autre: cette couche poudreuse est imbibée de ricine, l’un des poisons les plus puissants au monde.

Si quelques milligrammes de ricine suffisent à terrasser un individu adulte, la dose contenue ici pourrait- si elle venait à être absorbée- détruire des milliers de personnes. Quelques kilos de ce toxique pourraient venir à bout de plusieurs centaines de milliers de personnes à l’instar d’une Bombe H. À cette différence près: les ingrédients et les étapes de la fabrication de ce poison sont aisément accessibles via le net….

Le danger que l’Homme* fait peser à la Nature et au devenir de sa propre espèce pourrait trouver ici une solution à la fois radicale et d’origine naturelle puisque la ricine provient d’une graine, fort connue au demeurant : le ricin. Mais ce poison est aussi un remède utilisé dans le traitement de certains cancers. Le fléau que peut infliger ce produit peut donc aussi sauver du fléau que représente la maladie... et en l’occurrence une maladie accentuée notamment par les changements environnementaux que l’Homme fait peser à la Nature mais aussi aux autres espèces. La ricine se révèle donc être un pharmakon : à la fois poison et remède. Seule une différence de degré et d’intention en définisse une issue mortelle ou curative.

Ne demeurent que la seule volonté et les garanties juridiques que l’Homme se donne à lui-même. Indispensables limites et irréductibles distances qui permet le maintien dans l’existence. C’est ici le sceau de cire qui désigne cette limite et garde à distance de l’atteinte létale. Ce sceau n’offre pas une grande résistance mécanique, frappé du « SY » (pour « Samuel Yal ») il est la garantie de l’authenticité de l’œuvre et de son inviolabilité.  La responsabilité de l’artiste réside dans cette inviolabilité-même, confiée au bon soin de chaque spectateur.

Ainsi en est-il de cette sculpture. L’ouvrir c’est en atteindre l’intégrité en tant qu’œuvre.  Et en en dispersant au vent le contenu, c’est prendre le risque d’en périr soi-même. Le noeud ainsi posé exprime la complexité de la situation l’Homme à l’ère de l’Anthropocène.

Ce n’est pas seulement un problème technique, c’est un abîme insondable dans lequel résonne cette expression, relevant tout autant de l’accusation que de l’acclamation : « Ecce Homo*».

  • « Homme » du latin homo : être humain.

* traduire du latin : « voici l’Homme » (au sens grec anthropos, être humain).

 

Le Roi

Musée des Beaux-Arts

  • L'oeuvre a été réalisée en 2018-2021
  • En porcelaine, or, textiles, verre
  • 300 x 200 x 200 cm

« Et il y eut, au fond du jardin, l’énorme éclaboussement d’or qui éclaira la nuit pendant une seconde. C’était la tête de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions de l’univers » Jean Giono in Un Roi sans divertissement. 

Suspendue entre le ciel et le sol, l’œuvre Le Roi présente un visage de porcelaine brisé, dont la partie inférieure est transformée en lambeaux, recouverts d’un vernis céramique d’or fin, et s’achevant en textiles dorés que prolongent des bulles de verres. 

Au sol, comme des restes, un amas d’éclats de verre et quelques fleurs de lys…

Les fleurs de lys, la dorure, sont autant de rappels symboliques évoquant les symboles d’une monarchie. Un subtil équilibre émane de l’œuvre en jouant avec les dualités : absence/présence de la figure humaine, chute/ascension des éléments sculptés mais aussi une tension entre la séduction des matériaux et la violence qui en émane. 

Souvent la sculpture a porté les représentations du pouvoir et de sa mémoire dans l’espace public, appelant sur elle l’hostilité lors des renversements politiques divers et changements idéologiques (chute de régime, cancel culture...) Cette pièce incorpore en quelque sorte cette double dimension de la sculpture: élévation des figures de pouvoir/ annihilation de leur légitimité. En juxtaposant simultanément ces deux dimensions, cette pièce met en scène la complexité de ce rapport que la sculpture entretient avec la notion d’une présence symbolique contenant autant l’admiration que la violence.

 

Mnésis

Place du Château

  • L'oeuvre a été réalisée en 2024
  • En grès émaillé, lentilles de verre
  • 50 x 30 x 40 cm

« Tout visage est une porte et la même porte, selon l'instant où on la pousse, peut donner sur le paradis ou sur l’enfer » Christian Bobin

L’œuvre Mnésis présente un visage perforé. Sur la face une lentille restitue l’image du ciel. À l’arrière on devine le visage en creux, c’est à dire l’empreinte que le visage laisse une fois retiré du moule : un visage absent, enfoui dans un orifice, plongé dans un noir profond. 

La pièce est ainsi en tension entre une fixité et un mouvement perpétuels, impermanence constituant l’existence humaine. Mnésis signifie « mémoire » c’est à dire ce que l’on parvient à conserver de ce flux constant qu’est l’expérience sensible. Une expérience qui se sait - consciemment ou non - à tout moment en sursit, la mémoire de l’instant se superposant à celle de la finitude.

 

Orbis

Place du Palais de Justice

  • L'oeuvre a été réalisée en 2023
  • En grès, émail, or et acier
  • 300 x 250 x 600 cm

« Tout vit, tout agit, tout se correspond ; les rayons magnétiques émanés de moi-même ou des autres traversent sans obstacle la chaîne infinie des choses créées ; c'est un réseau transparent qui couvre le monde, et dont les fils déliés se communiquent de proche en proche aux planètes et aux étoiles ». Gérad de Nerval in Aurelia.

Dans l’œuvre Orbis, des visages se déploient dans l’espace et créent un mouvement circulaire répété. Ils tracent une courbe, une orbite, comme s’il s’agissait de corps célestes. Les visages sont troués et ouvrent sur un vide sombre, bordés d’or véritable, comme des étoiles rattrapées par l’infini d’un ciel obscur.

L’orbite, c’est aussi la cavité de l’œil. 

Orbis invite ainsi à creuser son regard. L'œil, cercle et orifice, est le trou par lequel entre et sort la lumière, son reflet et sa persistance. Tout est question de perspective...

L'artiste Samuel Yal

Samuel YalSamuel Yal, né en 1982 vit et travaille à Pontoise (près de Paris). Originaire d'Annecy, il est diplômé de l'ENAAI/Arts appliqués (Chambéry) en 2004 et titulaire d'un Master en Arts Plastiques et Science de l'Art (Sorbonne) en 2008. Travaillant principalement la céramique, il affectionne le recours à la porcelaine pour la spécificité de sa couleur blanche qui situe ses pièces entre apparition et disparition. L'artiste concentre ses recherches sur le visage, le corps, l'empreinte ainsi que le fragment ; autant d'éléments évoquant la notion de Présence dans l'espace. 

Déclinant son travail en installations et sculptures, il pratique également le cinéma d'animation, pour lequel il a remporté de nombreux prix en France et à l'étranger.

Samuel Yal a été membre de la Casa de Velazquez en 2015/2016, il a reçu le prix Georges Coulon en 2016 ainsi que le prix de sculpture Bernard Magrez en 2017. En 2018, il expose à la fondation Boghossian (Bruxelles) et au Musée Camille Claudel (Nogent-sur-Seine).

À l'automne 2021 le Musée de l'Homme lui commande une création pour ouvrir l'exposition Aux frontières de l'humain

L'artiste recourt à des échelles allant du minuscule au monumental, comme dans son installation Oris, fruit d'une résidence à l'Abbaye de Fontevraud en 2022. Il est représenté en France par la Galerie Ariane C-Y et expose régulièrement dans des foires (Art Paris, Pan Amsterdam, Luxembourg Art Week...).